September 06, 2009

Tête de gondole

(Premier post en français : vous en rêviez, je l’ai fait. Vous n’en rêviez pas ? Je l’ai fait quand même.)

Et bien voilà, après sept semaines aux champs, le job d’été cuvée 2009 c’est fini. Quel effet ça fait ? Un smiley suffit pour l’exprimer : \o/

Et pour fêter ça, quoi de mieux que d’en parler en long, en large, et en travers ?

Ca n’a pas toujours été facile, mais en fin de compte c’est passé relativement vite. Et surtout, j’en sors grandie. Enfin, façon de parler, je culmine toujours à 1m66 (et demi – petit détail qui fait toute la différence). Mais j’ai fait quelques découvertes intéressantes dont je vais vous faire profiter. Vous en avez de la chance.

Leçon 1 : les proverbes bidons tu renieras

Après m’être levée pendant deux mois entre 4 et 5 heures du matin, j’ose l’affirmer haut et fort : le monde n’appartient pas à ceux qui se lèvent tôt.

Leçon 2 : la faune de l’hyper tu observeras

Et oui, l’expérience de la grande distribution, c’est l’occasion d’une étude de terrain anthropologique et sociologique dont la principale conclusion tient en une phrase : les gens, c’est nul.

En fait, il en va des clients comme des vins : quand ils sont bons, ils sont très bons ; quand ils sont mauvais, c’est de la vraie piquette. En somme, il y a des grands crus et des grands cons (avouez que cette comparaison œnologique vous impressionne !).

S’appuyant sur le principe « je paie, donc je peux emmerder les gens en toute quiétude », le Client (avec une majuscule pour lui donner l’importance qui lui est dûe) exige donc d’être traité avec le respect qu’il croit mériter. Bon, le respect, en théorie je suis pour (même si un petit « fuck you » n’a jamais fait de mal à personne), mais dans la pratique le problème se résume en ces termes : parfois, le Client ne mérite que des claques. Et là, il faut être fort, se souvenir de nos lectures de livres de développement personnel, réciter mentalement ses citations de Gandhi et de Martin Luther King (NB : attention à ne pas confondre avec Malcolm X) et ne pas céder à la violence.

Comment ça, vous voulez des exemples ? Ca tombe bien, j’en ai plein, je les ai gardés au chaud spécialement pour vous !

Petit inventaire des CDM (comme VDM, mais en mode Client):

Les requêtes bizarres

Généralement pour un produit hors saison (« les confitures pour manger avec le foie gras ? » Revenez donc en décembre), ou dont vous n’avez jamais entendu parler (de la « confiture au rayon frais », un fromage spécial que personne n’achète, de la « pâte à crème »), ou qui ne sont pas du tout de votre compétence (le cidre, la crème de marrons, les chips, la sauce tomate
[ici un intermède s’impose (c’est énervant les parenthèses multiples, non ?) : le Client est généralement de mauvaise foi. « Vous avez regardé vers les pâtes ? » « Oui mais j’ai pas trouvé. » Mais bien sûr…]
Etc. Non je ne connais pas le magasin par cœur, mais je vais quand même vous répondre quelque chose parce que si je vous dis que je ne sais pas, vous allez me regarder d’un œil méprisant en vous demandant à quoi je sers si je ne peux même pas renseigner les gens)

Petit détail : généralement on vous demande directement. Dire bonjour, mais pour quoi faire ? Bon, parfois les gens disent « excusez-moi », et là je valide dans ma liste de politesse, je ne suis pas un monstre non plus.

Les empêcheurs (souvent des empêcheuses) de tourner en rond

Oui madame la retraitée qui peste dans sa barbe (à ne pas prendre au sens littéral, mais presque) parce qu’elle est coincée dans un embouteillage de caddies un samedi matin, vous entrez dans cette catégorie ! Vous savez à quoi vous attendre, nom d’un produit périmé ! Alors si vous n’êtes pas contente, vous n’avez qu’à revenir quand vous pourrez… c’est-à-dire n’importe quand, en fait.

L’impolitesse de base, c’est aussi cette vieille peau revêche, cette vieille bique acariâtre (notez le raffinement de mes insultes) qui après être rentrée dans mon combi d’œufs deux fois de suite avec son chariot a murmuré en passant, juste assez fort pour que je l’entende mais pas assez pour que je puisse répondre directement (ce qui m’aurait de toutes façons été interdit), « c’est agaçant ! ». Je sais, c’est agaçant… Mais bizarrement, mon petit doigt me dit que vous êtes aussi exactement le genre à se plaindre quand vous ne trouvez pas ce que vous cherchez. Il faudrait savoir.

Et oui, sans vouloir détruire vos rêves bleus, il va falloir vous faire à la réalité : et non, les rayons ne se remplissent pas tout seuls par magie. Autre scoop : vous savez, les autres gens que vous croisez dans le magasin ? Et bien ce sont aussi des Clients ! Et ils achètent les mêmes produits que vous ! C’est donc pour cela que parfois les rayons sont vides, pas parce que les employés du magasin sont des fainéants incapables.

Contrairement à lui à droite, vous n’êtes pas le seul, l’unique !

(ne mentez pas, vous aussi vous regardiez la trilogie du samedi sur M6 !)




Les relous, tout simplement

Mise en situation : moment de rush dans la matinée, il vous reste une palette de fromages à mettre en rayon en une-demi heure, il y a plein de gens, bref c’est la folie. Vous vous emparez d’un carton (encore plein donc), et là une cliente surgit de nulle part et vous demande « votre carton là, j’peux l’avoir ? » sur un ton qui ressemble plus à un ordre. « Non parce que j’ai pas de sac, et pis de toutes façons, vous allez les mettre en rayon les fromages, non ? » Oui, mais ils sont à l’autre bout du rayon justement, je suis censée les porter comment les 12 fromages du carton, avec mes dents ?

Relou type numéro 2 : le fou de la promo. Tout le monde reçoit chez soi avec le courrier les promos des hyper. Certains clients viennent donc faire leurs courses avec la pub pour prendre les produits signalés. Jusque là rien d’exceptionnel, temps de crise, budget limité etc., je comprends. Mais ce n’est pas une raison pour s’énerver.

- Mais il est où le lait en promo avec deux bouteilles gratuites ?
- Ah, on n’en a plus.
- Oui c’est ça, ou alors vous ne l’avez jamais reçu, comme d’habitude !

Sur ce, la Cliente part en trombe, très mécontente.
Pour info, les produits en promo, logiquement, on les vend plus vite, et parfois il n’y a plus de stock. Et deuxièmement, c’est vrai que parfois les livraisons n’arrivent pas le bon jour. C’est la vie, c’est injuste, c’est comme ça.

Les rigolos sans le vouloir

Quelques exemples en vrac qui ont égayé mes journées.

« Bonjour, vous avez du Comté ? » Alors là monsieur je ne sais pas, du Comté, c’est pas banal quand même, je ne suis pas sûre qu’on aie ça…

(En plein dans le rayon surgelé) « C’est où les steaks hâchés ? » Et bien juste en face de vous madame, c’est marqué dessus.

"C’est quoi la différence entre les fromages blancs, c’est pas la même couleur?"
" Alors celui-là c’est celui à 0%, et là c’est le normal, et sinon c’est une différence de marques."
"Oui mais là c’est quoi la différence entre les deux, c’est la même marque pourtant ?!"
" Alors il y en a un à 0% et un normal..."
Tout ça avec l’accent Belge, c’est encore plus drôle.

Alors que je suis en train de mettre des œufs en rayon :
« Où sont les œufs ? »
« Et bien, ils sont là. »
« Oui mais… où sont les meilleurs œufs ? »
Je précise que c’était un Anglais adorable qui m’avait déjà demandé autre chose deux jours avant et qui a fini par prendre, sur mon conseil, les œufs Label Rouge. C’est beau.

Pendant que je mets des yaourts en rayon, une mamie s’empare d’un fromage blanc puis vient me dire sur le ton de la confidence : « Ah, celui-là il a l’air bon, j’ai vérifié, parce que l’autre jour j’en ai acheté un comme ça, et bien c’était presque du lait caillé, j’ai dû tout jeter ! » Euh d’accord, merci madame, au revoir.

« Vous êtes du magasin ? »
Pas du tout, c’est juste que j’adore porter ce magnifique sweatshirt aux couleurs de l’enseigne, et puis comme je n’ai rien à faire, j’aime bien venir ici faire semblant d’y travailler, c’est un peu un hobby, c’est mon dada comme dirait Omar Sharif. (vous les aimez mes références culturelles ?)

Les crèmes

Il y en a quand même, et ça fait plaisir. Des mamies, des papys, des jeunes, des gentils. Ils ne pourraient pas faire la leçon aux autres, un peu ?

Leçon 3 : la logique commerciale des produits tu admireras

Au-delà des clients, on a surtout affaire aux produits eux-mêmes. Et là, quand on regarde d’un peu plus près, on se rend compte que parfois, c’est de la publicité de haut vol. Morceaux choisis et contre-produit alternatif.

- Frites cuisson sans odeur
"Cuisson spéciale odeur de graillon" serait plus vendeur

- Gambas tropicales qualité supérieure
Une « qualité inférieure » devrait aussi être proposée pour ceux qui aiment quand c’est moins bon.

- Steak de saumon qualité sans arête
Je suggère « avec encore plus d’arêtes pour un étouffement garanti »

- Crevettes sauvages
Manger des crevettes apprivoisées ou domestiquées serait vraiment trop cruel.

- Gamme Maggi « Bon par Nature »
« Dégueu par Nature » pourrait avoir des adeptes.

Mon préféré restant quand même celui-ci (oui, une photo s’imposait). C’est juste magnifique, les mots me manquent.

Je pourrais continuer sur des pages, mais j’ai décidé de m’arrêter là. Je tiens quand même à dire que j’ai eu des collègues très sympas et solidaires. Ce sont mes héros, car si c’est fini pour moi, eux y sont encore, et des clients comme ceux et celles que je viens de vous décrire, ils vont encore en voir passer plein. Trop. Alors la prochaine fois que vous allez faire vos courses, soyez cool et ne jouez pas au Client.

Ah oui, j’ai oublié un détail très important. Je souhaite faire passer un message au père de mes futurs enfants -- dont le prénom commencera, d’après le test très scientifique de la pomme (là normalement tous les garçons se demandent de quoi je parle, et toutes les filles savent très bien à quoi je fais référence), par un K (viens à moi Kévin, je t’attends !) : je te préviens tout de suite Kévinou, après avoir arpenté pendant tout un été le rayon fruits de mer surgelés, il est absolument hors de question qu’on appelle notre fille Océane. N’y pense même pas, c’est non.

5 comments:

  1. Ooooh, tant de poésie en un seul post, c'est du grand Art \o/ Purée, quelle saucisse !
    Tu as bien mérité de partir la tête haute, en effet ; saluons bien bas les ouvriers aux champs en toute saison qui, par chez moi aussi, ont affaire à de sacrés kékés. L'autre jour, pendant que je règlais mes achats, la famille Groseille postée juste derrière se demandait si la caissière était une femme... ou pas. Verdict : c'en était une, mais elle n'était sûrement pas sourde. Y a des claques qui se perdent.

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  2. Super post! Enfin du français! cocoricoooooo! Je comprends mieux qd même ta verve et ton humour, mais en anglais c'est cool aussi! Et le commentaire de Neph vaut égalementle coup! mdr Je suis assez fière d'avoir une part dans ton histoire (enfin je crois!), concernant les "Clients" qui disent "excusez-moi", car ça me rappelle la discussion que nous avons eu à H&M où justement j'avais hardiment interpellé la vendeuse d'un "excusez-moi savez-vous blablabla...", tout en me rendant compte que Ô malheur j'avais omis de la saluer...Loin de moi l'intention d'être désagréable ou malpolie! Mais bon si tu nous dis que cela peut passer...je me sens mieux! :) Bisous

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  3. Merci les filles :) Oui si tu t'excuse ça va, sinon on ne s'en sort pas !
    Quand je pense que je postule en ce moment même pour bosser à temps partiel dans des hyper, j'en ai des sueurs froides... Au moins ça ferait des sujets pour mon blog.

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  4. Armelle, ca me rappelle tellement l'expérience d'une copine qui finissait par dire à certaines clientes très casse-pieds "Vous, je sais pas pourquoi, mais je n'peux pas vous encaisser" et elles faisait passer le produit x2!
    Aurelie!

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  5. Mais les clientes ne s'en rendaient pas compte ? C'est souvent le genre à vérifier leurs tickets à la loupe :D Sinon bonne réaction, j'approuve ! Et ça fait plaisir de te voir par ici !

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